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  • Les bipos sur Facebook

     Je vous propose ici de jouer les curieux et d’écouter l’extrait d’une conversation entre trois personnes bipolaires telle qu’elle s’est déroulée sur Facebook.
    Bien entendu, il ne s’agit pas d’une écoute clandestine, l’extrait nous a été fourni par l’une des personnes avec l’accord des deux autres.

    Cette personne est un ami diagnostiqué bipolaire depuis plusieurs décades sans que pour autant il n’ait jamais entrepris de psychothérapie.
    La psychiatrie, jusqu’à tout récemment, a été la seule réponse qui lui a été proposée.

    Nous avons désormais entamé des entretiens psychothérapeutiques sur une base hebdomadaire ou bien évidemment son histoire personnelle est évoquée, mais aussi la bipolarité en tant que généralité. 

    Il apparaît que la question génétique est souvent posée concernant la bipolarité, et c’est d’ailleurs l’angle sous lequel le sujet a été abordé dans le message qui accompagnait le « copier/coller » de la conversation ;

    Message que voici :

     Juste pour te montrer que la bipolarité n'est pas seulement je pense la résultante de traumatismes infantiles, même si dans mon cas cela n'a pas arrangé les choses c'est certain, cette peur que je ressens est sans doute liée aux terreurs que j'ai connu enfant lorsqu'un de mes parents s'approchait pour me battre, mais ce n'est peut-être pas ce qui fait de moi un bipolaire, bipolaire nous le sommes peut-être bien par la génétique, porteur de cette maladie que peut être nous allons développer, ou pas. Il y a des gens qui ont connu des traumatismes graves enfant et qui ne sont pas devenus psychotiques pour autant.
    Bien à toi,
    Signature

     Nous allons donc ici répondre à ce message après avoir écouté la conversation promise.

    Il faut bien prévenir le lecteur qu’un salon de bipolaires sur Facebook, ce n’est pas un repaire de petits rigolos !
    On y parle de dépression, de cafard, de peur, d’ennui, d’angoisse, de mort……Mais l’extrait à suivre est relativement court !
    Ils sont trois, nous les nommerons Entonin, Martin et Radha. 

     Entonin
     
    …. retour dans le cafard régulièrement comme quelque chose qui doit toujours revenir et ne veut pas me lâcher, ma dépression aussi est souvent liée à la peur, une peur sociale, je ne saurais trop expliquer, une angoisse mais une peur si ce n'est la même chose, je me rappelle qu'en phase basse tout me paraissait impossible, me trainer chez le psy, me confronter à d'autres personnes ou à des situations nouvelles, peur de mourir de sous-alimentation de folie d'angoisse, de douleur, de peine, peur en tout cas de tout ou presque, peur de la vie, peur de la mort, peur de la solitude, peur de l'abandon, peur de ne jamais sortir de la dépression. Etc. etc. mais pourquoi cette peur, me comprenez-vous, avez-vous ressenti ainsi ce genre de choses? D'où vient la peur?
    Moi j'ai subi des violences physiques enfant je pense que ma terreur vient de là. Je reste avec cette terreur qui se transforme en diverses peurs.
     
    Martin
     

    Je ressens ça aussi chaque jour. Et la peur est effectivement le sentiment dominant. D'où vient-elle? Je suppose que ça dépend des gens. Pour moi, je crois que la peur de la mort est centrale, ainsi que la peur de la vie. Du coup, j'ai développé un sentiment d'absurdité face à tout ça. La vie me semble absurde. Je n'ai jamais compris ce qui fait bouger les gens dits normaux. Leurs motivations. Ils m'ont toujours paru inhumains, et fous. "Certains ne deviennent jamais fous. Leurs vies doivent être bien ennuyeuses" comme disait Bukowski.
     

    Entonin
     
    Oui absurde, les autres et l'existence, Camus a parlé de cela dans le mythe de Sisyphe, mais n'as-tu pas l'impression Martin qu'a un moment donné tu as fait partie d'eux, et qu'en quelques sortes tu les comprenais alors? Mais que tu ne les comprends désormais plus. Moi j'ai cru pendant à peu près 20 ans être à peu près comme eux, je croyais être normal. Et je semblais alors mieux les comprendre. 

    Martin
     
    Entonin, je n'ai jamais vraiment cru que j'étais normal. Je me croyais et me voulais original. Je crois bien comprendre les autres, les gens dits normaux. J'ai l'impression de les comprendre même trop bien. Ils peuvent m'attendrir. Je suis comme eux, quelque part. Nous partageons la même condition humaine, un esprit coincé dans un corps mortel. Mais j'ai l'impression d'avoir quelque chose en plus avec cette maladie, et pas quelque chose de moins. C'est dur à vivre, mais ça donne un regard différent sur les choses. Pour revenir à la peur et au rapport avec les traumatismes de l'enfance, je suis un contre-exemple. Enfance heureuse, choyée, privilégiée. Mais je n'ai jamais vraiment été bien. L'exaltation et la tristesse, la mélancolie, sans raison apparente. Apparemment, l'événement qui a bouleversé mon équilibre et ma personnalité, c'est la naissance de ma sœur. J'avais quatre ans. D'après mes parents, avant sa naissance, j'étais un petit bonhomme sage et éveillé. Sa naissance a marqué le début de ma carrière d'enfant dit difficile. Pour moi, ce serait l'élément déclencheur. Mais pas de violences. Pas de coups, et pourtant je les cherchais. Que de l'amour. Et pourtant...

     Radah

     En fait si je comprends bien la plupart des maladies sont liées à ce qu'on a vécu dans notre enfance?

     Entonin 

    D’après les psychanalystes oui on peut dire cela Radah. Mais nous avons peut être une sensibilité génétique qui fait que les événements douloureux ont plus de chance d'être traumatiques que ceux vécus par les autres. L'arrivée d'une petite sœur dans la vie de Martin par exemple qui n'est en principe pas un événement traumatique. Martin malheureusement les autres ne m'attendrissent plus. Ça marche plus de ce côté-là... 

    Martin

    Je pense que les traumatismes de l'enfance ne servent que de révélateur. Certains vivent des traumatismes énormes et s'en sortent très bien, sans maladies psychiatriques. On a cette maladie dans nos gênes, et le traumatisme (au sens très large) la réveille. Mes deux grands-pères étaient maniaco-dépressifs (à l'époque, on ne disait pas encore bipolaire). J'ai de qui tenir... 

     REPONSE :

    Entonin,
    Je voudrais répondre à ton message en  trois volets:

    - Celui des faits.
    - Celui des mots et du lien traumatique.
    - Celui des gênes.

    Le premier volet, donc,  concerne la réflexion de Martin lorsqu’il dit : « J’ai l’impression d’avoir quelque chose en plus avec cette maladie, pas quelque chose en moins. »

    Comme j’ai déjà pu te l’expliquer, durant les phases maniaques le sujet est littéralement projeté à l’état de veille dans le monde de l’inconscient  et  se trouve exposé aux images primordiales de la psyché.
    Pour autant, cet état de veille, qui par nature est dédié à l’action dans le monde conscient, n’est « outillé » que pour les besoins de sa fonction et ne possède pas les filtres qui protègent des aspects irradiants et fascinants des archétypes.
    Les bipolaires en phase maniaque se retrouvent donc témoins hallucinés d’un spectacle ou les acteurs sont des principes psychiques actifs, porteurs de dimensions inconnaissables par les outils intellectuels de l’état de veille.
    Ils se trouvent tout simplement saisis par une puissance dont ils pressentent l’importance et la portée sans pour autant pouvoir comprendre ou mesurer ce qu’elle est.

    Alors, nous pouvons dire que cette étrange expérience d’un savoir inaccessible est ce fameux « quelque chose en plus » dont parle Martin.
    Les bipolaires ne connaissent pas ce qu’ils savent, mais ils savent que c’est extraordinaire, que c’est au-delà de la portée commune et que tout y est intensément réel.
    A bon droit, ils peuvent se considérer comme des gens différents, des « initiés » en quelque sorte,……tout au moins des personnes qui se reconnaissent entre elles  par rapport à une expérience commune rare.

    Le deuxième volet a trait au mot « maladie » utilisé par Radah et le lien qu’elle fait avec les traumatismes :
    Pour être clair, lorsqu’on parle de psyché et uniquement de psyché, c'est-à-dire lorsqu’on exclue tous les accidents physiques et biologiques qui peuvent entraîner des malformations ou des dommages neurologiques qui, eux, relèvent de la médecine spécialisée et peuvent être qualifiés de maladies, les termes à privilégier sont ceux de troubles et de disfonctionnement.

    Il n’existe pas de « maladies psychiques », il existe des troubles, des disfonctionnements, des déséquilibres qui par commodité ont parfois été affublées du terme de maladie.
    Pour autant, à titre d’exemple, si l’Alzheimer est bien une maladie, l’hystérie n’en est absolument pas une.
    De plus, si ces troubles et disfonctionnements ne sont pas d’origine accidentelle et s’ils ne dépendent pas du domaine de la médecine spécialisée, alors, ils sont liés à l’environnement social et sont nécessairement d’origine traumatique.

    Ce sentiment constant de peur et d’abandon chez le bipolaire en est la marque.
    1) Je suis attaqué
    2) Il n'y a personne pour me protéger

     
    Bien entendu, la palette des traumas est quasiment illimitée. Il existe autant de natures et de qualités de traumas que ce qu’il existe d’expériences humaines.
    Pour autant, à l’instar de la psyché qui fonctionne selon un certain nombre de principes, les traumas s’articulent autour de modes de fonctionnement et de schémas qui commencent à être désormais connus et décryptés.

    Le troisième volet concerne la génétique avec de grandes questions :
    Peut-on considérer que les gènes conditionnent à eux seuls la psyché ?
    Peuvent-ils  prédisposer  aux troubles et disfonctionnements ?
    Cela suggère-t-il  que les réponses à apporter à la bipolarité sont exclusivement médicales et médicamenteuses ?

    Alors tu vois, Entonin,  le bon raisonnement, lorsqu’on aborde ce genre de sujet, c’est de bien prendre soin de rendre à César ce qui appartient à César, à la médecine ce qui est à la médecine et à la psyché ce qui est à la psyché.

    Partons du principe que la fonction crée l’organe ( avec réversibilité possible ) et considérons qu’en tant que « bibliothèque » les gènes s’enrichissent de génération en génération selon le besoin en fonctions nouvelles liées aux changements d’environnement que chaque génération particulière rencontre.
     
    Si tu veux bien, nous allons laisser de côté toute cette partie de la bibliothèque génétique qui contient les modes de défenses et d’adaptations aux maladies dégénérescentes, les modes d’adaptation aux malformations accidentelles, et d’une façon plus générale tout ce qui relève du domaine de la médecine et de la psychiatrie.
    Nous ne nous intéresseront qu’a cette partie de la bibliothèque qui s’occupe de l’intégration des processus psychiques.

    A ma connaissance, et je pense que tu me le confirmeras, la bipolarité n’est pas systématiquement associée à une maladie ou à une dégénérescence physique spécifique et nous pouvons donc nous y intéresser !
    Certes, elle représente un handicap social certain, certes, elle représente un risque de mise en danger de soi et un inconfort flagrant, et à ce titre, il est justifié que la psychiatrie intervienne avec une prise en charge médicamenteuse stabilisatrice.

    Pour autant, cela ne doit pas nous empêcher de considérer que les gènes qui prédisposeraient à la bipolarité ne seraient que  des gênes qui contiendraient la mémoire d’une défense et d’une adaptation à une pression psychique.
    Cette adaptation, concernant les bipolaires, aura été  la rupture de l’unité de l’être et son découplage en périodes maniaco-dépressives.

    En d’autres termes, posons le cas d’une personne  donnée se trouvant aux prises de contradictions insolubles imposées par son environnement social.

    Si cette personne en arrive à basculer dans la bipolarité sans que jamais jusqu’à la fin de ses jours elle ne puisse comprendre et dépasser ce qui la bloque, alors, ce trouble pourra se retrouver chez sa descendance et devenir une difficulté psychique trans-générationnelle. 


    Lorsqu’à son tour, la descendance se retrouvera psychiquement dans une ornière infranchissable et qu’elle ira consulter la bibliothèque génétiques des solutions trouvées par les générations précédentes, elle y trouvera le mode d’emploi du découplage de la psyché.

    C’est ce mode d’emploi inscrit qui constitue ce que l’on appelle les dispositions génétiques à la bipolarité.

    Quelques soient ses ascendants, si le sujet ne se trouve jamais dans l’ornière, le mode d’emploi ne sera jamais consulté et la bipolarité ne se déclenchera jamais.

    Il est bien évident que le sujet puisse aussi se trouver dans une ornière mais qu’il soit capable de trouver en lui et en son entourage la ressource de se sortir de ce piège.
    Le contenu de la bibliothèque est donc écarté au profit d’un nouveau fondement mental, initié, par exemple, par une psychothérapie.

    Moralité, Entonin, je veux bien aller avec toi dans le sens de la prédisposition génétique, mais uniquement vu comme ça, et il faut de plus que tu me fasses crédit du fait que l’origine de ce qui est mémorisé dans le gène est de nature psychique et que nous parlons bien d’un trouble, d’un déséquilibre ou d’un disfonctionnement, et que quel que soit le maillon générationnel sur lequel il apparaît en premier,  il s’agit bien d’un évènement traumatique.

    C’est pour cette raison que le seul suivit psychiatrique stabilisateur me semble tristement insuffisant et sonne un peu comme un renoncement ou pire encore comme un abandon.
    Il me semble au contraire que derrière l’épaisse croute dépressive de vos propos sur facebook se faufile  la rivière souterraine du désir de vivre et que cela encourage à apporter aux bipolaires une réponse plus ambitieuse que celle de la psychiatrie, sans l’exclure, bien entendu, mais en parallèle.  

    Mais comme en toute chose il faut se forger sa propre opinion, et maintenant que tu es lancé dans l’aventure de la psychothérapie, nous comptons tous sur toi pour connaître ton ressenti et continuer le débat.

    Question du 24 Février à 11h49:

    Et si nous avions nous les bipos une particularité physiologique? Des recherches tournent autour de l'hipocampe qui pourrait avoir une particularité ou une anomalie. Moi je pense que nous avons des différences génétiques ou physiologiques ou que nos phases peuvent nous abimer physiologiquement d'une manière pas forcément réversible. Qu'en penses-tu?

    Réponse:

    Entonin, Je répondrai ici à ta première intervention. Elle contient deux questions en une seule, si tu veux bien, nous allons les décomposer.

    Dans la première, tu me demandes si finalement ce ne serait pas une ou des particularités biologiques qui causeraient la bipolarité, et pour argumenter ta question, tu t’appuies sur les recherches faites actuellement autour de l’hippocampe.

    Dans la seconde, tu demandes si les passages d’une phase à l’autre ne peuvent pas, en eux même, induire des dommages physiologiques.

    Concernant la première, je dirais simplement  que tu es possiblement dans le vrai, ce sont des raisons que l’on ne peut pas écarter.
    De fait il est indispensable que la recherche avance et nous renseigne sans négliger aucune piste.
    Je le dis ainsi, et très sincèrement,  même si mon avis est il y a ici confusion entre les causes et les effets.

    Mon sentiment est que si on constate des anomalies physiques liées à la bipolarité, elles ne sont apparues que comme les conséquences causées par les troubles qui entrainent la bipolarité.

    Pour illustrer mon raisonnement, je ferais un parallèle avec ce qui se passe avec les anticorps.
    Les anticorps disposent d’un système immunitaire inné et d’un système immunitaire adaptatif.
    C’est le système immunitaire adaptatif qui « réfléchit » et « invente » les nouveaux systèmes de défense lorsqu’un agent pathogène nouveau est rencontré.
    Ce « laboratoire de recherche » occupe un lieu physique sur l’anticorps lui-même et n’apparaît que chez ceux qui en ont besoin, un peu comme le besoin en une nouvelle fonction entrainerait la création d’un nouvel organe ou la modification d’un organe existant.
    ( Je ne dis pas que les anticorps sont des organes, hein, c’est juste une image ! )
    A titre d’exemple, tu ne trouveras d’anticorps structurellement adaptés à combattre la malaria que chez les sujets qui ont été exposés à la malaria.

    De la même façon, s’il y a des particularités cérébrales qui n’apparaissent que chez les bipolaires, c’est possiblement parce qu’ils  sont les seuls à avoir besoin de ces lieux ou se développent ce type de mécanisme de défense. Ils sont les seuls à avoir été exposés à ce qui conduit à la bipolarité, ou tout au moins, ils sont les seuls à y avoir été exposés avec une intensité telle que la bipolarité s’est déclenchée.

    Concernant la seconde, il me parait assez vraisemblable que des troubles psychiques aigües puissent finir par jouer sur le physiologique, mais à quel niveau, au bout de combien de temps, dans quelles circonstances ? Je suis très très loin d’être le mieux placé pour te répondre, tu sais que cela n’est pas mon champs de compétence.

    Pour résumer la manière dont je vois les choses, je dirais que les « particularités » dont tu parles pourraient être soit une nouvelle organisation neurologique en formation….Soit, une zone « abimée » , une distorsion du schéma « normal »…..mais toujours induits par la pression de ce qui cause la bipolarité !
    Sans vouloir tenir de position idéologique sur le sujet mais basé sur l’observation, la connaissance de la nature et l’intuition, je dirais que la bipolarité est née d’un trouble psychique dont l’intensité a brisé l’unité de l’être d’une façon atypique.
    Je dis d’une façon atypique car tous les autres troubles destructeurs conduisent à de la dissociation et à de l’aliénation tandis que la bipolarité, elle, est un découplage.
    Le sujet est carrément enchâssé dans un monde binaire qui le domine.

    Bien entendu, tout ceci est spéculatif et je ne demande à personne d’être de mon avis, ce n’est que mon sentiment  par rapport à une question posée dans un domaine qui n’est pas le mien.

    Ceci étant, le fait que je me trompe ou pas sur ce point n’a pas beaucoup d’importance, je n’ai pas le pouvoir d’empêcher ce type de recherche, et même si je l’avais, je ne l’empêcherais pas car il nécessaire savoir !

    Par contre, pour revenir à un domaine qui m’est plus familier,  il me parait important d’attirer ton attention sur l’inconvénient qu’il y aurait  à mettre tous ses espoirs exclusivement dans la médecine et la recherche.
    L’espérance est une grande et belle chose, y compris pour les bipolaires, mais ici et en cette circonstance, elle conduirait à une position attentiste plutôt improductive.
    Pire que cela, elle transformerait l’attente en une sorte de dépendance envers un hypothétique succès médical.
    Je te ferais remarquer qu’en l’espèce, non seulement une telle attente obstinée rajouterait de l’enfermement et de l’impuissance là où il y en a déjà mais elle deviendrait une véritable caricature d’une bipolarité qui s’autoalimenterait.

    L’espérance dans son aspect « attente de succès médical » y serait calquée sur la phase haute dans la mesure où la solution médicale n’existe pas à ce jour.
    Elle ne procède que d’une réalité purement hypothétique et se pose comme  un lieu où le sujet se projette hors de sa condition, un endroit où sa souffrance pourrait ne pas exister ou être différente……. Tout comme un sujet en phase haute trouve refuge dans le monde immatériel de l’inconscient en cherchant un lieu où sa souffrance pourrait ne pas exister ou être différente.

    A l’inverse, l’aspect « sans espoir de l’attente », la conviction que son destin est définitivement scellé et qu’on ne sortira jamais de cet état parce que justement il n’y a pas de médicaments ou pas de chirurgie qui peuvent aider ;
    La conviction que l’on est sur une pente fatale, aspiré par un trou noir dans lequel on va disparaître et mourir, lui, se calque sur la phase dépressive.

    Dans ces deux cas, l’attente est prétexte à ….attendre, et justifie que l’on ne fasse rien…..

    Il se trouve que mon travail consiste, au contraire, à faire quelque chose !

    Et c’est pour cette raison que je dis, avec tout le respect dû à la médecine et à la psychiatrie, qu’il est humainement souhaitable de proposer aux bipolaires une perspective plus ambitieuse que la simple attente stabilisée et que s’il est important de mener de vraies recherches médicales sur la bipolarité, il est tout aussi important d’accompagner le sujet  en parallèle avec une vraie psychothérapie

    Samedi 25 Février à 15:27 

    Question par Entonin
    Je voulais aussi te soumettre une hypothèse que je n'exclue pas:
    les structures génétiques, on peut penser que mes gènes effectivement ou ma combinaison de gènes font que je suis bipolaire, ensuite je dois être plus sujet à etre traumatisé par les événements traumatiques, on peut penser ainsi qu'au départ la structure est génétique, on peut penser de même pour d'autres structures à mon avis comme l'hystérie, la schizophrénie etc. après on développe des symptômes ou pas suivant les événements que l'on vit.
    Je veux dire que l'on est pas forcément tous égaux à la naissance, est-ce n'est peut être pas uniquement et tout simplement une question de vécu comme le pensait Freud je crois.
    Après peut -on "guérir"?
    Euh je n'emploierais pas ce mot, on peut apprendre de notre structure par la psychothérapie et l'analyse pour ensuite pouvoir s'adapter à notre structure. Il faut notamment comprendre notre histoire.

     C'est intéressant car cela casse un peu la psychanalyse, je veux dire  que les interactions enfant-mère sont alors moins importantes, si c'est génétique, que ne  le pensent les psychanalystes.

     Il y a un débat sur l'autisme en ce moment à cause d'un documentaire sur     l'autisme et le rôle de la mère dans ce que disent les psychanalystes.

    L'autisme serait comme toute structure :génétique.

     Que penses-tu de tout cela?

    Bon, Entonin, il y a là aussi plusieurs questions !

    Je commencerai par l’autisme et l’extrait de deux articles.
    Le premier est paru dans le magazine « Futura Sciences ». Il s’agit plus exactement de la conclusion de cet article qui a trait aux travaux de l’AGP (Autism Genome Project ).
    Le second article, lui, est paru dans le magazine « Le Figaro santé »
    Ce ne sont pas des articles extraordinairement pointus, mais ils restent une bonne vulgarisation que nous pouvons utiliser.
    Voici ces extraits :

    Ces résultats indiquent que l’autisme n’est pas le résultat d’un simple désordre génétique, mais qu’il est une combinaison complexe de différentes mutations.
    Ces recherches pourraient toutefois permettre d’accélérer le diagnostic de la maladie, et à terme d’en améliorer la prise en charge pour des familles parfois en difficulté.

    L’origine de l’autisme reste un mystère.
    Il toucherait en France 400 000 personnes, selon l’OMS, avec un risque quatre fois plus élevé chez les garçons.
    Chez 10 à 20% l’autisme est dit « syndromique », car associé à une maladie génétique ou métabolique favorisante.
    Mais dans 80% des cas, il n’y a pas de cause connue. Les progrès réalisés ces dernières années permettent cependant désormais d’écarter la conception qui a longtemps dominé, celle d’une maladie due au repli précoce de l’enfant face à une relation avec la mère perçue comme négative.
    Les progrès de l'imagerie cérébrale suggèrent qu'une région particulière du cerveau est associée à l'autisme. Ce glissement d'une conception psychanalytique à une vision plus neurobiologique de l'autisme ne se fait pas toujours sans frictions entre professionnels, mais conduit peu à peu à une collaboration renforcée des psychiatres, des généticiens et  des neurologues. Déculpabilisées, les familles participent aussi de plus en plus à cette révolution en cours.

     Avec ta permission Entonin, je voudrais avant toute chose commencer par exprimer un petit coup de colère.
    Je dénonce à quel point il a été cruel et injuste d’avoir culpabilisé pendant des années des familles et plus particulièrement des mères en les désignant, par principe, responsables de l’autisme de leur enfant.
    Quand bien même cette relation serait une cause vérifiée de l’autisme, il ne s’agirait que de la partie inconsciente, donc involontaire, de celle-ci.
    De plus, les petits génies de la psychanalyse n’ont jamais été en mesure de désamorcer ce soi-disant disfonctionnement maternel ni de proposer des contremesures aux résultats déterminants.
    Dans ces conditions, il aurait sans doute été plus prudent d’attendre de savoir plutôt que de s’aventurer à stigmatiser des personnes.
    Il est certes frustrant de ne pas comprendre mais il est criminel d’administrer à autrui la violence d’une accusation, juste pour le confort d’évacuer sa frustration.


    Ouf ! Ça fait du bien ! ^^

    Pour revenir au centre du sujet, Entonin, tu vois que si la composante génétique de l’autisme est trop significative pour être écartée ( 10 à 20% des cas reste très significatif ), on ne parle pour autant que de combinaison complexe de différentes mutations, et au surplus, il reste quand même 80% de causes inconnues.
    Tout ceci fait que l’on ne peut pas classifier l’autisme en tant que trouble génétique pur et avéré.

    Le fait que les progrès en imagerie cérébrale puissent suggérer qu’une région du cerveau est associée à l’autisme ne font que nous rapprocher de l’observation que tu as déjà faite concernant l’hippocampe pour la bipolarité et à laquelle j’ai déjà répondu. 

    Cela veut dire que si le facteur génétique est bien présent, il ne l’est pas suffisamment pour que l’on puisse trancher et di
    re s’il s’agit d’une cause ou si les complexes de mutation ne sont pas finalement qu’une des conséquences ou qu’un des vecteurs qui permettent à l’autisme de s’installer.

    Sans vouloir jouer les vieilles barbes, l’hypothèse qui à ce stade intègre toutes les données connues sans entrer en contradiction avec aucune d’entre elles, reste celle que je t’ai indiqué plus haut concernant la bipolarité.

    Le schéma serait donc le suivant : Un évènement ou une série d’évènements induisent un trouble psychique dont l’intensité et la persistance conduisent à diverses modifications neurobiologiques.
    Ces modifications particulières (hippocampe, complexe de mutations….) deviennent alors, à la fois, le marqueur du trouble et le vecteur par lequel se propagent ses effets.
    La mémoire de ces effets se trouve stockée dans ces zones modifiées et peut se réactiver dans les générations suivantes.

    Pour aller plus loin il me semble possible d’isoler quelle famille de cause peut induire le trouble qui conduit à la bipolarité, quelle autre peut conduire à l’autisme et quelles autres peuvent conduire aux troubles de fragmentation de la psyché.

    Il est prématuré de le faire publiquement, mais je te ferai connaître la classification à laquelle je pense par MP.

     Maintenant, la grande question :  Peut-on guérir ?

     Dès lors que l’on parle de psychothérapie, la bonne question à se poser est la suivante : La conscience est-elle accessible et si oui, à quel niveau d’entendement ?

    Là se trouvent en effet les limites.
    Une thérapie réussie, ou en tout cas productive, ne peut exister que dans un cadre ou la conscience est accessible et ou son niveau d’entendement est satisfaisant.

    Cela me laisse très optimiste pour la plupart des bipolaires et pour la plupart des personnes sujettes à une aliénation partielle de la psyché, mais à ce stade, sauf à de très rares exceptions, je ne pense pas que les autistes puissent en tirer un profit satisfaisant.
    Il faut pour eux rechercher d'autres pistes.

    Revenons à ta préoccupation initiale, à savoir ce que pouvait apporter une cure à un bipolaire.

    Il faut regarder les indices,et s’il y en a, on peut suivre une piste.
    En analyse, les indices sont les symptômes.
    Or des symptômes, de prime abord, nous en voyons deux.
    Il s’agit de la fuite et de l’évitement.
    Or, la fuite et l’évitement sont la première trace du trauma.
    Bien entendu, il ne s’agit pas de la trace du trauma d’origine, ce qui serait un peu trop facile, mais il s’agit quand même de la signature d’un de ses rejetons qui lui est relié.
    Et parce qu’il lui est relié, le trauma d’origine est condamné.
    La résilience et la catharsis sont désormais inscrites dans le livre de vie de l’être, car nous connaissons tout du trauma.

    Le premier principe de fonctionnement du trauma consiste à instaurer un rapport douloureux à nous même.
    Cette douleur  à laquelle se rajoute la peur de la douleur prend de l’importance jusqu’à faire force de loi et induire en nous une acceptation tacite, celle de nous soumettre, en échange d’un peu de paix.
    Il se crée ainsi en nous un territoire interdit, une zone peuplée de menaces, que nous avons déserté, et sur laquelle nous n’avons plus aucun contrôle.

    Le deuxième principe du trauma consiste à devenir furtif, à disparaître de l’écran radar de notre objectivité et à disparaître de nos pensées.

    Ce deuxième stratagème est particulièrement ingénieux car personne ne s’intéresse à quelque chose qui n’existe pas.
    Aussi, nous finissons par l’oublier.
    A l’abris de cet oubli, l’onde de destruction se propage à l’infini dans le monde psychique.

    Pendant ce temps nous cherchons des solutions partout où elles ne sont pas.

    La psychothérapie consiste justement à rompre ce pacte du silence, à se souvenir de ce qui a été oublié, à établir que là où il semble ne rien y avoir, il y a pourtant quelque chose d’hostile et de malveillant.
    Elle consiste à nommer ce quelque chose, à rendre les fantômes impuissants, à faire disparaitre les menaces, à rappeler à l’être qu’il est le fils de ces terres intérieures, qu’elles lui reviennent de plein droit et que c’est là que se trouve le sens de sa vie. Elle consiste à reconquérir notre être, à nous replacer au centre de notre devenir et à occuper toute la place qui est la nôtre par la réalisation de notre potentiel.

    Florentin G.

     

     


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